
Une ferme urbaine à plusieurs mètres sous terre
C’est au plein cœur du 18e arrondissement de Paris, dans un parking abandonné que La Caverne a pris racine. L’histoire commence avec Jean-Noël Gertz, ingénieur thermicien et Théophile Champagnat, agronome. Voulant produire mais n’ayant pas de terres agricoles, Jean-Noël décide de se tourner vers la ville. Où trouver la place de produire en ville ? Ici, les deux amis ont planté leur terrain de jeu dans le sous-sol parisien.
La Caverne est sortie de terre grâce au concours Parisculteurs. Programme piloté par la Ville de Paris, Parisculteurs a pour but de végétaliser la capitale et de participer au développement de l’agriculture urbaine avec pour objectif 100 hectares de bâti végétalisé en 2020. Pour ce faire, la Ville de Paris lance des appels à projet chaque année pour transformer certains espaces disponibles de la capitale. Lauréats du concours de 2016, Jean-Noël et Théophile ont bénéficié de 3 500 m2 pour lancer leur production. Depuis 2018, ils ont récupéré tout le parking.
Produire dans un ancien parking
Vous pouvez d’ores et déjà vous sortir de la tête cette image de voitures garées en rang d’oignons : cela fait bien longtemps qu’il n’y a plus de véhicules motorisés à La Caverne. Nettoyé en profondeur avant l’arrivée des légumes, le parking est parfaitement adapté à la production agricole.
Mais qu’est-ce qu’on cultive dans un parking ? Pour produire dans un parking, il suffit de reproduire les conditions climatiques adaptées aux cultures. Cependant, pour Olivier Akesso, le responsable du site, il vaut mieux profiter de l’environnement frais, sombre et humide pour produire des aliments adaptés à ces conditions sans dépenser trop d’énergie. C’est pourquoi, on trouve aujourd’hui à La Caverne des champignons (pleurotes, shiitakés et bientôt des champignons de Paris produits à Paris) ainsi que des endives, des cultures qui sont adaptées à l’environnement souterrain.
« Techniquement on peut tout produire en souterrain avec la bonne technologie. La question est de trouver une production qui fait sens d’un point de vue écologique et économique. »
Par exemple, s’il est possible de produire hors saison en re-créant les bonnes conditions climatiques, La Caverne ne le fait pas : trop d’énergie dépensée et les produits ne peuvent être valorisés à leur juste valeur.
Fraîcheur et humidité sont l’équation gagnante pour la culture des champignons. Ceux-ci sont cultivés sur des bottes de paille compresseés qui ont été inséminées de spores de champignon. Le but étant de reproduire les conditions de l’automne, des humidificateurs ont été installés. Chaque semaine, c’est environ 250 kilos de pleurotes et la même quantité de shiitakés qui sortent la tête de terre.
Pour les endives, les racines sont cultivées en pleine terre puis placées dans des bacs avec un écoulement d’eau permanent. Le plus pratique avec les endives c’est qu’elles n’ont pas peur du noir et adorent l’humidité et la fraîcheur : elles s’adaptent donc parfaitement à l’environnement du parking. En moyenne, une tonne par semaine d’endives sont cultivées.
Une agriculture au-delà du bio
Les endives, pleurotes et shiitakés de Cycloponics, la startup à l’origine de la Caverne, sont tous certifiés Agriculture Biologique. Avec des méthodes inspirées de la permaculture, la culture des champignons et des endives de la Cave nécessitent peu de choses. Leurs produits sont donc naturels, cultivés sans aucun produit chimique.
« Dans l’agriculture biologique, on a le droit à un certain nombre de produits phytosanitaires mais nous, on n’en utilise aucun. »
Cycloponics propose des produits issus de cultures responsables. Le respect de l’environnement et des citoyens leur est primordial. De ce fait, à la Caverne, tous les déchets sont recyclés grâce à des techniques de lombricompostage. L’entreprise Moulinot collecte donc les déchets organiques pour les valoriser en compost ou en biogaz. Et oui, rien ne se jette, tout se transforme ! De plus, les livraisons sont réalisées en vélo ou transports électriques pour une distribution verte. Si cela est possible c’est parce que 80% des produits sont livrés dans Paris intramuros. L’objectif de Jean-Noël et Théophile n’est non pas d’alimenter toute la France mais de produire en ville pour les locaux.
Un projet sociétal avant tout
La Caverne n’est pas seulement une ferme urbaine, c’est aussi un lieu de partage et d’échanges. Située à côté de plus de 300 logements sociaux, l’objectif de l’équipe de Cycloponics est d’être intégrée à son quartier. C’est pourquoi ils emploient plusieurs habitants du quartier, organisent des ateliers pédagogiques et donnent leurs invendus.
Lieu d’échange aussi entre entrepreneurs du à la location d’une partie des locaux par Cycloponics. Si une partie de La Caverne est utilisée par Cycloponics, d’autres entreprises spécialisées dans la Food Tech utilisent aussi l’espace pour stocker et même produire. C’est par exemple le cas de Wesh Grow qui produit des micro-pousses dans l’ancien parking. Ces dernières peuvent même profiter de l’expertise en logistique et livraison verte de Cycloponics.
Plus qu’une entreprise, Jean-Noël voit dans ce projet une aventure sociale, responsable et qui a du sens. Anciennement dans le bâtiment, il se réjouit aujourd’hui que ses clients puissent se régaler de bons produits locaux.
« On nourrit les gens, on travaille qu’avec de super produits, avec des réseaux de distribution qui sont éthiques et intègres, qui ont des valeurs. On évolue dans un écosystème qui est très enrichissant pour nous. »